Hélène Collin, Namuroise d’origine, comédienne formée au conservatoire de Liège, était en résidence au Delta avec sa compagnie pour la préparation d’un spectacle consacré aux populations autochtones d’Amérique du Nord.
Cela fait 10 ans qu’elle a commencé à rencontrer les premières nations du Québec/Canada. Un long parcours de rencontres grâce au théâtre.
La résidence au Delta est l’une des étapes de la phase de création
Elle concernait surtout la recherche du langage théâtral, la mise en place de la lumière et du son. Tout juste entre une semaine de travail à l’Espace Magh et une autre à la Fabrique de Théâtre pour boucler la boucle là où le projet a démarré.
De quoi parle ce spectacle ?
Hélène a vécu un an sur une réserve de la nation Atikamekw, dans la communauté de Wemotaci, avec 3 ados de cette nation et leur a consacré un film documentaire.
Le spectacle est un seul en scène qui traduit son expérience personnelle de rencontre. Elle essaie d’être un intermédiaire pour les spectateurs. Elle parle d’expériences de déplacements dans la réserve, de rapport au temps, à la nature, aux animaux, à la mort.
L’idée du spectacle n’est pas de raconter l’histoire des autochtones mais de raconter des histoires qu’elle a vécues là-bas, des témoignages. Rendre compte de leur vision du monde et des choses aujourd’hui. « C’est à eux de dire qui ils sont. »
Elle abordera la colonisation, qui est toujours liée au territoire et a des conséquences directes sur la terre, les ressources, la prédation envers les ressources naturelles. « Avec la colonisation, on a diabolisé d’autres rapports au monde. Il est vraiment temps de se remettre en question sur notre idée de civilisation. »
Elle tentera de montrer un mode de vie différent et tellement beau, puis d’en tirer les enseignements.
« Il fallait tuer l’Indien dans l’enfant »
Les pensionnats autochtones, de terribles processus d’assimilation des populations autochtones dans l’état canadien, seront également abordés dans le spectacle. Toute cette politique de génocide culturel est un grand traumatisme qui traverse plusieurs générations.
Hélène fera certains parallèles avec notre propre histoire, en abordant par exemple le rapport entre la Belgique et le colonialisme, ou le racisme. « Un prêtre belge est allé vivre pendant 40 ans chez les autochtones et a eu une énorme emprise sur eux. »
Elle est heureuse de nous annoncer que Jacques Newashish, artiste Atikamekw reconnu, viendra en Belgique pour la phase de finalisation du projet au théâtre Le Rideau.
Pourquoi avoir choisi cette thématique ?
« Il y a beaucoup de choses à dire, tellement de racisme vis-à-vis de cette culture sublime. Nos sociétés ont besoin d’entendre certaines choses. Le spectacle aborde d’autres sujets que le documentaire qui, lui, suit trois jeunes ados confrontés à toute une série de réalités difficiles. Ces jeunes parlent d’alcoolisme, à 14 ans, c’est troublant. Les autochtones sont stigmatisés. La misère sociale est omniprésente, une étiquette d’alcoolisme, suicide, inceste leur colle à la peau sans qu’on se demande jamais pourquoi. »
Hélène avait envie qu’on voie leur beauté immense à travers le documentaire et le spectacle, la vitalité de leur culture, prise au piège d’une éducation québécoise, leur laissant une perspective d’avenir plutôt étroite. La rencontre entre des professeurs blancs québécois et de jeunes autochtones est très difficile. « Une ségrégation a été mise en place au Canada. Ce qui fait que toutes les populations ayant immigré au Québec ne connaissent absolument rien des cultures autochtones. »
La première du spectacle est prévue le 9 novembre au Rideau pour 3 semaines mais tout dépendra de l’évolution de la situation sanitaire.