La carte postale, ce support si populaire, synonyme de nostalgie et de souvenirs d’enfance pour les uns, et découverte d’un ancêtre de nos réseaux sociaux comme Instagram et Twitter pour les autres, est autant un objet de collection qu’une œuvre d’art. Dans une perspective historique et contemporaine, le Delta a voulu mettre en lumière l’impact de la carte postale sur notre société et sur la scène artistique.
Les débuts de la carte postale avec Francis Picabia, pionnier des avant-gardes
Elle apparaît dès la seconde moitié du 19ème siècle où le commun des mortels apprend à écrire sur un espace réduit – le recto. Et où le verso, illustré, suscite un engouement intense.
L’année 1889, avec l’Exposition universelle de Paris, semble véritablement constituer un tournant dans la diffusion des cartes postales. Cinq à six mille cartes de la Tour Eiffel sont ainsi vendues chaque jour, les rendant extrêmement populaires et modernes.
Tout au long de cette exposition, nous nous focaliserons sur la présence, la réappropriation et le détournement de ces cartes dans l’art depuis la fin du 19ème siècle jusqu’à nos jours.
Est-ce un “petit tableau”, une œuvre d’art ? Non, c’est une carte postale ! Le point de départ de cette exposition est Francis Picabia, dont la démarche postimpressionniste conceptuelle marque le début des avant-gardes du 20ème siècle.
De l’objet de collection à l’atlas infini du savoir
La carte postale, par sa production massive, s’établit auprès de toutes les classes sociales. Elle devient une image-objet à portée symbolique multiple ouvrant les portes de l’imaginaire. Par son format, elle permet aussi la constitution d’archives personnelles ou l’agencement d’images sur les murs ou les espaces de travail, devenant un outil pour l’artiste ou l’historien de l’art, puisant dans cet atlas infini, véritable point de départ de pratiques et d’usages variés : peinture, collage, installation, film, objet, photographie, Mail Art…
Par sa nature, elle impose aussi un classement qui met en évidence la catégorisation du monde et de la société via une multitude de thématiques – folklore, exotisme, femme, paysage, art, tourisme… -, autant de clichés et stéréotypes constituant un axe de réflexion majeur pour les artistes.
Dans cette exposition, vous pourrez apercevoir notamment l’œuvre de Marcel Duchamp « La boîte-en-valise », conçue comme un musée portatif de ses créations, ou encore la collection de cartes postales vintage du surréaliste Paul Eluard, considérant ce médium comme un art tout court.
De plus, cet objet de collection, ou objet de musée, permet de se questionner sur la diffusion de l’art au travers de la carte postale. L’apparition au début du 20ème siècle de cartes reproduisant des chefs-d’œuvre de musées a eu un impact considérable sur les artistes et historiens de l’art. Pour Marcel Broodthaers, l’image constitue l’œuvre en soi, et son musée est notamment composé d’une série de cartes postales reproduisant des œuvres d’Ingres, David, Courbet, Meissonier…
Le point commun entre ces différents artistes, c’est d’être avant tout des collectionneurs de cartes postales.
Ceci est davantage qu’une carte postale…
La carte postale, envoyée à un moment donné et à un endroit précis sur la planète, permet de jouer avec la notion du temps et de l’espace. L’on retrouve Georges Hugnet ou encore René Magritte initiant une forme de Mail Art, où la carte postale, au-delà d’être un moyen de communication, devient un véritable support artistique. Un principe que l’on retrouve chez On Kawara qui joue également sur la dimension temporelle de la carte postale.
Elle est aussi porteuse de messages. Certains artistes vont révéler et déconstruire tous les stéréotypes véhiculés pendant très longtemps par la carte postale, en évoquant des sujets d’actualité comme le décolonialisme ou le féminisme, et en intégrant des archives peu connues, voire censurées, tout en interrogeant le statut de la carte postale comme “document d’actualité”.
Pour exemple, l’artiste français Éric Manigaud travaille sur l’origine et la fonction des sources photographiques, tandis que l’artiste sévillane Pilar Albarracín se glisse, pour mieux la renverser, dans une imagerie héritée de la dictature franquiste.
Une œuvre unique, réalisée spécifiquement pour le Delta
Vous découvrirez sur les différents étages de l’espace muséal, l’œuvre d’Oriol Vilanova “Tout et rien. Rouge et noir”, un artiste espagnol vivant depuis de nombreuses années à Bruxelles. Cette nouvelle installation a été produite spécialement pour l’exposition.
Cette œuvre privilégie une approche picturale et esthétique, où l’on retrouve une collection de cartes postales représentant des objets de collections publiques et privées, présentées sur fond rouge et noir, et agencées par couleur. Aux côtés de ces objets historiques et culturels, Oriol Vilanova a disséminé des images facétieuses, où l’on peut notamment retrouver un chat ou un bodybuilder, afin de s’interroger sur le goût dominant et l’infiltration de la culture populaire parmi la culture héritée des grandes institutions.
Par ce processus créatif, les illustrations perdent ainsi leur fonction et leur sens initiaux pour laisser la place à une véritable expérience visuelle.
Venez visiter cette fascinante exposition jusqu’au 18/08/2024. Ouvert du mardi au vendredi de 11h à 18h, et le samedi et dimanche de 10h à 18h.
ᴘʟᴜs ᴅ’ɪɴғᴏs → https://bit.ly/ExpoLaCartePostale