Le drapeau d’Andrea Radermacher-Mennicken

Dans le cadre du projet Sambre 2030, le Delta a demandé à dix artistes plasticiennes et plasticiens de créer un drapeau dont le motif, blason ou fonctionnement se ferait l’écho de ce thème à la fois fluvial et social. Sambre 2030 est un projet qui vise à doter la rivière d’une personnalité juridique.

Le drapeau d’Andrea

Vous savez, je vous l’ai dit souvent, j’aime les fleuves. Les fleuves charrient les idées aussi bien que les marchandises. Tout a son rôle magnifique dans la création. Les fleuves comme d’immenses clairons, chantent à l’océan la beauté de la terre, la culture des champs , la splendeur des villes et la gloire des hommes.

Victor Hugo – Lettre XIV (St. Goar, 17 août 1842)

Karl Schlögel, professeur d‘histoire de l‘Europe de l‘Est à l’Université européenne Viadrina, qualifie les fleuves d‘encyclopédies de la vie. Dans l’Antiquité déjà, les fleuves étaient le symbole du devenir et de la disparition, et donc de la vie humaine. Ils permettent de lire l’histoire : celle de la nature, mais aussi celle du travail humain, de la communication, de la culture, de la guerre et de la paix. Les histoires de fleuves sont des histoires de la transformation des courants naturels en courants culturels … Les fleuves délimitent, mais ils relient surtout. Ils ont un pouvoir de production d‘espace, ils transmettent la communication des hommes qui, pendant des siècles d‘absence de voies, se seraient entièrement repliés sur eux-mêmes.

De très nombreux cours d’eau naturellement sinueux ont été artificiellement rectifiés, généralement pour en augmenter le débit et réduire ainsi la fréquence de submersion des terrains avoisinnant, pour faciliter la culture agricole et améliorer la navigation. Ces interventions humaines ont une grande influence sur la quantité d’eau et la vitesse d‘écoulement, et donc aussi sur les êtres vivants dans et autour de l’eau.

Le régime hydrologique d‘un fleuve est central pour la préservation de sa  biodiversité aquatique et l‘intégrité de son écosystème. De nombreuses interventions humaines se sont révélées néfastes a posteriori. 

On pourrait alors comparer notre manière de communiquer et de traiter les informations avec les fleuves. 

Pour une cohabitation dans le respect et la paix, il est important de pouvoir accéder à de nombreuses informations provenant de sources variées. Les données et les informations sont-elles sélectionnées et transmises par des algorithmes, censés connaître nos goûts et nos besoins? S‘agit-il d‘informations canalisées comme une rivière? 

Les paroles que l’on nous profère sont-elles hors contexte, préparés par des rhétoriciens doués et présentés par des influenceurs en vogue ? Le journalisme critique est malheureusement trop facilement supplanté par des rumeurs dans les médias sociaux.

Dans son livre Schnelles Denken, langsames Denken (2016), le psychologue Daniel Kahneman décrit « la facilité déconcertante avec laquelle il est possible de contourner les instances de contrôle de notre cerveau ». Il poursuit : « Une méthode fiable pour amener les gens à croire en des déclarations erronées est de les répéter souvent, car la familiarité ne se distingue pas facilement de la vérité. »

La rivière emporte tout avec le courant. Nous laissons-nous porter trop facilement dans une direction, entrainés par les masses ? 

Il est bien plus facile de chercher une prétendue sécurité « au milieu d‘un banc de poissons » que d‘entamer un parcours individuel. Quand devons-nous nager à contre-courant ? Y parvient-on et sommes-nous suivis ? 

Parfois c‘est l‘interaction, la collaboration de nombreuses têtes qui nous fait avancer… Quand puis-je faire confiance à l‘intelligence collective de la masse ?

Le bon usage de l‘information devient un défi de plus en plus important.

à propos de l’artiste

« Mes images dessinées, gravées,  photographiées ou peintes, mes objets et installations thématisent les relations humaines. Les recherches reposent sur un postulat élémentaire : relation nécessite communication. 

Et, une communication réussie est étroitement liée à la capacité de présentation de soi et à la création de profils attrayants qui peuvent (et doivent) être adaptés au fil du temps. Ce qui compte en première analyse n’est pas tant qui nous sommes vraiment, mais ce que nous voulons être et la manière dont nous sommes perçus par les autres. »

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