Au Delta, l’inclusion sociale constitue une des valeurs fondamentales sur lesquelles repose nos missions avec une attention particulière portée par notre équipe aux publics dits fragilisés. Dans le cadre de l’exposition « La moindre des choses » que nous accueillons jusqu’au 26 janvier, une œuvre collective a été créée au sein d’ateliers organisés en nos murs avec 17 résidents des deux centres psychiatriques de Namur : Le Beau-Vallon (Saint-Servais) et le Centre Neuro-Psychiatrique Saint-Martin (Dave).
Nous sommes partis à la rencontre de Florence Monfort, artiste plasticienne qui a encadré le projet et Elodie Slaney, éducatrice au Beau-Vallon. Elles nous font découvrir les coulisses de ce projet inclusif et, de manière plus générale, l’importance de l’art dans le champ de la santé mentale.
Quel était le projet de base ?
Florence Monfort, artiste formée aux techniques textile, a encadré les différents ateliers et nous explique : « Un des points de départ du projet était de créer des rencontres humaines, d’apprendre de nouvelles techniques artistiques. L’idée principale était de concevoir 8 totems, qui pouvaient accueillir les réalisations, à base de textile, créées durant les ateliers. Le textile est, en effet, une matière facilement récupérable et que l’on peut travailler de multiples manières. »
Pour Elodie Slaney, qui a accompagné les résidents du Beau-Vallon dans ce projet, le concept de la restauration a toute son importance dans le soin aux personnes en institut psychiatrique. C’est l’idée d’aller rechercher en soi quelque chose que l’on peut réutiliser, que l’on peut réinventer. C’est retrouver une certaine créativité ; de la flexibilité mentale ou de pouvoir réexpérimenter des choses. D’oser à nouveau ! Ce projet a permis aux participants de sortir de leur zone de confort et d’ouvrir un espace d’expression qui participe à leur restauration. Elle précise : « C’est se dire : on peut trouver place dans le groupe, on peut trouver des choses en soi à partager, et c’est un peu dans cette idée-là que ce projet fait sens pour moi dans le parcours des gens qu’on accompagne en psychiatrie. »
Comment s’est déroulée la création de l’oeuvre ?
Sous la proposition de l’artiste Florence Monfort, les résidents ont travaillé sur des totems modulables, en utilisant la matière textile, la récupération des matériaux, ainsi qu’une bichromie contrastée avec l’utilisation du blanc et du rouge pour garder une cohérence et une harmonie dans les réalisations de chacun. Les participants, quant à eux, travaillaient directement sur les éléments textiles, et venaient les inclure dans la scénographie prédéfinie.
Les quatre premiers ateliers avaient pour but de permettre aux participants de faire connaissance et de découvrir le matériel, et chacun a pu développer ses créations selon ses envies. « Nous étions aussi attentifs à ce qu’ils nous proposaient, explique Florence. Par exemple, une personne a proposé de travailler les tuyaux d’isolation pour apporter une courbe, quelqu’un d’autre a proposé d’ajouter du mouvement grâce à un petit moteur. Il y a eu un véritable échange entre les participants et le projet. »
Les résidents ont aussi appris à coudre à la main et à la machine, à développer de nouvelles compétences techniques de façon positive. « J’ai vraiment senti qu’ils étaient assez satisfaits d’apprendre de nouvelles choses et voir qu’ils pouvaient les faire » précise l’artiste.
L’ambiance au sein du projet était tout à fait sereine et joyeuse, se souvient Elodie Slaney : « Parfois, quand on souffre psychiquement, l’énergie manque, l’impulsion de faire les choses est parfois un peu engourdie. Et ce qui a été frappant, c’est que même en travaillant de longues journées, de 9h à 16h, ce qui n’est pas du tout dans leur rythme habituel, à aucun moment il y n’a eu un essoufflement. Tout à coup, des gens qui étaient un peu apathiques parfois, se mettaient en mouvement. »
Est-ce que l’art est bénéfique pour la santé mentale ?
Nos deux protagonistes sont unanimes : oui, l’art est bénéfique pour la santé mentale. « Le fait de créer l’est aussi, parce que souvent pour les personnes ayant des troubles ou des maladies mentales, on tourne en rond, on réfléchit, et là, ça laisse de la respiration, explique Florence Monfort. Une personne m’a dit : D’habitude je fume toute la journée, et ici aujourd’hui je n’ai fumé que deux cigarettes. Cela montre bien que ce projet, ces ateliers étaient bénéfiques, et que la matière apportée parle à ces personnes ».
Selon Elodie Slaney, l’image de la psychiatrie est souvent empreinte de violence et de souffrance. Et avec des projets créatifs tels que celui-ci, il y a une réelle envie pour les personnes qui souffrent de partager autre chose que leur souffrance, de montrer qu’en sortant de leur isolement, les participants se reconnectent à quelque chose d’autre, qui peut être très animé et joyeux, avec une certaine spontanéité et une fragilité attendrissante. Béatrice, résidente du Beau Vallon qui a participé à la réalisation de l’œuvre, le confirme : « On est fort nombreux à vivre la souffrance psychique, mais on peut être positif et on peut donner de la joie aux personnes en faisant des activités comme celle-ci. On ne voit pas que du noir, on voit de belles choses aussi ».
Dans ce type de projet, qui est également celui du Delta, l’idée est de retrouver un peu de cohésion sociale et permettre à chacun de prendre sa place. Elodie clôture notre rencontre avec ces sages paroles : « On est dans une société qui nous isole beaucoup, et le fait de pouvoir retrouver des projets communs, ça nous redonne un certain sens. A un moment donné, le sens à notre vie ne se retrouve pas juste dans un processus individuel, mais parfois dans le collectif ».
→ A découvrir également dans cette exposition, le projet Un abécédaire de la psychiatrie, réalisé par le duo artistique No Sovereign Author avec les patients du centre La Fabrique du Pré de Nivelles